La loi n°2010-1609 du 22 décembre 2010 (JO du 23 décembre) relative à l’exécution des décisions de justice, aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires, comprend notamment un article 37 qui intégre dans notre droit « la convention de procédure participative ». Ce texte adopté par le sénat en deuxième lecture reprend pour l’essentiel les termes du texte voté en première lecture par l’Assemblée nationale. Comme déjà relevé au fur et à mesure de l’étape législative franchie (ici ), la loi insère un nouveau titre au code civil, le titre XVII comprenant les articles 2062 à 2068 dans le code civil qui consacrent l’existence d’une convention de procédure participative qui est une reprise de l’une des propositions de la Commission Guinchard. L’article 2062 définit la convention de procédure participative comme une convention par laquelle les parties à un différend qui n’a pas encore donné lieu à la saisine d’un juge ou d’un arbitre s’engagent à le résoudre amiablement. Sont exclus de son champ les différends nés à l’occasion d’un contrat de travail qui restent soumis aux dispositions du code du travail. Il complète également l’article 4 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques par l’ajout de l’alinéa suivant qui consacre cette nouvelle activité : « Nul ne peut, s’il n’est avocat, assister une partie dans une procédure participative prévue par le code civil ». Enfin, il modifie les articles 10 et 39 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique. L’article 37 entrera en vigueur dans les conditions fixées par un décret modifiant le code de procédure civile nécessaire à son application et au plus tard le 1er septembre 2011. La procédure est mise en oeuvre par la rédaction d’une convention qui prévoit les différents points à régler, la liste des intervenants extérieurs car il est possible d’appeler tous experts qui peuvent aider pour parvenir à un accord. Si les parties parviennent à un accord total, il y aura un acte contresigné par avocat. L’homologation judiciaire est également possible. Si les parties parviennent à un accord partiel, les parties pourront saisir le juge par une requête conjointe, lui demandant d’homologuer ce qui a fait l’objet de l’accord et de trancher les points sur lesquels un compromis n’a pu être trouvé. Que dire de ce vote ? Il est loin d’être audacieux et il résulte des débats parlementaires que le Sénat avait tout d’abord exclu la procédure participative pour tout ce qui tenait à l’état des personnes et l’Assemblée nationale de la matière prud’homale mais en a étendu le champ aux questions de divorce. Certains parlementaires ignoraient qu’il ne s’agit pas d’une négociation sur positions et que les avocats ne sont pas actuellement tous à même d’en mener le processus car ils ne sont pas tous formés à la méthode de négociation qu’elle requiert. On peut imaginer que les décrets d’application attendus viseront à limiter l’exercice de ce processus à des avocats ayant la formation requise et présentant donc les garanties suffisantes pour mener à bien ce processus. La convention de procédure participative est un acte contresigné par les avocats qui assistent leurs clients en conflit. Cela veut dire qu’elle dispose d’une force probante. Les avocats seront légalement présumés avoir informé leurs clients sur les conséquences des actes posés. L’objectif poursuivi est bien de tendre à une solution amiable consentie. Exclure le recours à cette procédure dans les affaires prud’homales et donc des conflits entre employeur et salarié est tout à fait regrettable et ne s’explique réellement que par le particularisme de la procédure prud’homale qui permet aux syndicats d’assister les salariés, lesquels ne peuvent y recourir car ils ne sont pas avocats. Il a pu se dire aussi au sénat qu’il rentrait déjà dans la mission des juges consulaires de concilier les parties et que cela pourrait faire « doublon ». En droit, il entre pourtant dans la mission de tous les juges de concilier les parties et d’autres procédures ont également une phase de conciliation obligatoire. On voit donc que le motif est bien ailleurs et qu’il est probable que cela vise à préserver les syndicats de leur champ d’action sans surenchère. Pourtant et surtout, il n’y a aucun « doublon » avec la conciliation car il ne s’agit pas de la même chose et le recours successif à l’un ou l’autre mode de conciliation peut être envisagé si la volonté des parties est d’y recourir. La procédure participative n’enlève rien à la conciliation judiciaire et permet au contraire de venir demander l’homologation d’un accord qui peut être partiel et nécessite d’aller plus loin encore. De toute évidence, ce n’est jamais perdre du temps que d’essayer de trouver une meilleure solution que de faire juger son litige. La conciliation même judiciaire et le processus participatif sont différents et ont leur utilité. Il est d’ailleurs fort regrettable de constater qu’actuellement, la phase de conciliation prud’homale soit réduite la plupart du temps à une phase très formelle qui ne sert pas à grand chose si ce n’est à retarder les convocations par devant le Bureau de jugement ou au contraire parfois aussi à un forcing de conciliation selon le temps qui y est consacré extrêmement variable d’une juridiction à l’autre mais aussi selon l’objectif poursuivi qui est parfois d’aboutir à tout prix à un paiement par l’employeur. La procédure participative n’est d’ailleurs pas une procédure mais plutôt un processus qui permet aux personnes en litige d’être aidé et conseillé par leurs avocats en amont pour trouver leur solution et pas celle de leurs avocats selon une méthode aguerrie qui rencontre plus de succès désormais outre-atlantique que la médiation. Les décisions sont bien mieux comprises sous tous leurs aspects en ce compris leurs conséquences. L’acquiescement n’est pas un oui sans comprendre. C’est un nouvel outil qui s’ajoute aux autres modes amiables de résolution des conflits pour résoudre un conflit au mieux des intérêts de chacun. Ce n’est pas un mode concurrent des autres modes alternatifs de résolution des conflits car il a sa spécificité et n’interdit en rien de recourir à un autre processus ou à une procédure judiciaire en cas d’échec. Ce nouveau dispositif est issu des travaux de la commission Guinchard. Il s’inspire du droit collaboratif nord-américain mais il en diffère car le droit collaboratif repose sur l’engagement des parties et de leurs avocats d’oeuvrer pour trouver un accord si bien que les avocats se retirent en cas d’échec du processus. S’il y a une procédure judicaire après un échec éventuel, les avocats doivent se désister et renvoyer leurs clients à saisir d’autres avocats comme le dit l’avocat créateur du processus plus « litigious », c’est à dire des praticiens qui mèneront une procédure judiciaire traditionnelle. Le droit collaboratif a du sens car les documents qui sont échangés pendant ce processus doivent rester confidentiels tout comme les propos tenus qui ont pour objectif de servir l’engagement de conclure un accord pas de recourir au juge en cas d’échec. Ce n’est pas un artifice préalable à une procédure même s’il préserve l’accès à l’institution judiciaire en cas d’échec total ou partiel. Il permet d’avancer avec des garanties. C’est une chance de plus de réussir à trouver un vrai accord plutôt que de le faire trancher sans participer activement à la recherche d’une solution mutuelle. Le recours au juge doit être la solution ultime pas la facilité de demander à une tierce personne de trancher exclusivement sur le plan juridique un conflit qui lui est soumis. NB: vous pouvez retrouver cet article publié sur le village de la justice ici
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