J’ai déjà évoqué les expériences américaine et canadienne de « collaborative law » traduits par droit collaboratif qui est en fait non un droit spécifique mais un processus relevant des modes alternatifs des conflits qui se distingue par la participation active des parties en litige dans le conflit assistées par leurs avocats formés à ce processus en vue de trouver un accord. 
En cas d’échec, les avocats qui se sont engagés à tout faire pour parvenir à un accord n’assisteront plus les parties s’il faut recourir ensuite à une procédure contentieuse. 
Tout comme la médiation, la méthode née en 1990 arrive à grands pas en France. Elle concerne tous les domaines du droit même si elle a été développée initialement par un avocat en droit de la famille du Minnesota. 
 Elle fait l’objet de la proposition 47 du rapport Guinchard qui est une réflexion collective destinée à répondre aux attentes du gouvernement en vue de la modernisation de notre justice avec les évolutions souhaitables en matière de répartition des contentieux civils entre juridictions. Inspirée directement du processus collaboratif américain qui a fait une percée en Europe principalement en Grande Bretagne et Autriche mais également en Australie et Nouvelle-Zélande, cette nouvelle procédure de règlement des conflits s’appellerait si elle est bien intégrée à la réforme attendue : procédure participative de négociation assistée par avocats. 
 L’idée clairement exprimée est de faciliter le règlement amiable des litiges sous l’impulsion des avocats avec une saisine simplifiée de la juridiction sur la base de l’accord passé partiel ou total pour que les magistrats n’aient plus en effet qu’à trancher les points du litige restant en suspens sur base des observations et pièces des parties ou à homologuer l’accord. Comment ? Les parties s’engagent par une convention de participation à oeuvrer en vue de la résolution amiable du litige en définissant par avance les points faisant l’objet de cette négociation envisagée et s’engagent à donner les éléments d’information nécessaires à la résolution du litige. Le recours à un technicien lors des débats est possible en cas de besoin. La saisine de la juridiction ne sera plus possible pendant ce processus sauf pour les cas d’urgence pour prendre des mesures provisoires ou conservatoires. Cela se traduit par une fin de non recevoir à l’instar des clauses de conciliation préalables. Dans les matières où les droits sont indisponibles, il serait néanmoins possible de saisir le juge qui statuera par voie d’ordonnance sur requête pour éventuellement l’autoriser. Un accord ne pourra produire d’effet qu’après son homologation pour s’assurer que l’accord respecte l’ordre public et préserve les droits et intérêts de chacun. 
Et enfin, le notariat a demandé à ce que la procédure participative ne préjudicie pas aux règles de la publicité foncière dont on rappellera qu’ils ont le monopole, principe qui a été pour le moment accepté. La commission Guinchard a estimé néanmoins qu’il fallait pour rendre attractive la procédure l’articuler avec la procédure judiciaire de la façon suivante : – L’accord pourra ainsi être homologué par le juge compétent dans le cadre d’une procédure gracieuse de sorte qu’il sera doté de la force exécutoire lors que ce sera nécessaire. – En cas de désaccord ou d’accord partiel ; les parties ne seront pas contraintes de tout remettre en cause dans le cadre d’une longue procédure contentieuse : un procès verbal est prévu pour constater l’accord partiel ainsi que les points sur lesquels le litige persiste. 
 La nécessité d’assister et de conseiller les parties tout au long de la négociation ainsi que le dénouement judiciaire de la procédure participative justifient que les parties soient assistées de leurs avocats respectifs pour conduire le processus afin que les parties soient en mesure de défendre leurs intérêts de la manière la plus pertinente. L’ensemble des formalités doit être accompli avec leurs avocats jusqu’aux signatures des actes. Le contrat participatif pourra bénéficier de l’application de l’article 2238 qui permet la suspension du délai de prescription comme en médiation sauf dans les matières où de tels accords sont exclus par la loi. Et la particularité française serait que les avocats disposeraient d’un droit de suite judiciaire en cas d’échec, c’est-à-dire que les parties pourraient introduire une action judiciaire avec les mêmes avocats.
 Qu’en penser ? 
 1°) Que le processus participatif soit désormais possible en France est une très bonne nouvelle pour au moins deux motifs : 
 1-1 Il facilitera la proposition par les avocats à leurs clients d’un mode alternatif de résolution des conflits amiable comme préalable à toute action contentieuse; 
 1-2 Les avocats pourront désormais aussi s’adresser directement à l’autre partie dans le cadre de ces échanges puisqu’ils supposent une rencontre obligatoire des parties tout au long du processus. 
 En effet, il est parfois encore difficile de faire comprendre à nos clients que négocier est leur intérêt mais plus encore, ils ont du mal à entendre que la déontologie nous interdit de rentrer en contact direct avec l’autre partie si elle a un avocat qui le refuse et que cette prise de contact est difficile si elle n’a pas d’avocat pour des motifs de confidentialité qui ne préservent pas ces échanges. Instituer un mode de discussion amiable et s’engager dans cette voie avec l’autre partie est un préalable qui me semble fondamental 
 2°) En revanche, il apparait critiquable que les développements de cette procédure participative par le rapport Guinchard n’insistent pas sur le fait, qu’être rompu aux règles inspirées de celles mises en pratique par nos confrères américains, impose une formation au processus de négociation raisonnée reprise en médiation et pas au seul respect du cadre du processus participatif mais en sus à une obligation de se déporter en cas d’échec. 
 2-1 une formation minimale aussi aux techniques de négociation raisonnée 
 Il ne suffit pas de se réunir au minimum à quatre pour penser que de cette discussion va jaillir subitement la lumière parce qu’on a décidé de trouver un accord. Il faut que cet accord soit celui des parties et non de leurs avocats. Que les intérêts juridiques de chaque partie parce qu’elle est assistée d’un avocat soient préservés alors que la médiation est décriée parfois pour ce motif est une bonne chose mais elle n’est en rien suffisante. Les parties doivent être mises en situation de dialogue qui n’est par essence pas de bonne qualité si elles ont un litige en cours qu’elles n’ont pu résoudre. Il faut donc que les avocats soient rompus aux techniques de communication spécifiques pour conduire ce type d’entretien et faire en sorte que les parties trouvent ensemble une solution qui soit la leur avec des modalités consensuelles qui soient viables. Le choix de l’avocat sera donc un élément déterminant. On voit mal que cela soit possible avec un confrère qui ne s’est pas engagé dans cette démarche préalable de faciliter la recherche par son client d’un accord qui ne soit pas que positif pour son seul client en l’aidant par sa formation spécifique à dépasser ses positions pour s’intéresser aux besoins et intérêts mutuels en cause. D’ores et déjà, il est évident que cela ne conviendra pas à tous les avocats car certains sont plus contentieux que d’autres mais aussi que la qualité d’avocat est insuffisante pour parvenir à pratiquer ces techniques qui supposent, quelque soit le talent personnel de chacun, d’être apprises et pratiquées. Et d’ailleurs, l’expérience des pays anglo-saxons qui ont développé cette pratique est d’avoir accrédité les avocats formés au processus de négociation raisonnée. Or, actuellement, les avocats, sincèrement intéressés à ce nouvel outil se sont surtout formés au cadre du processus (conditions de mise en oeuvre, actes) pas à son contenu pour y parvenir (techniques de négociation raisonnée). Il y a donc une obligation de formation de base et de formation continue qui s’impose à eux. 
 2-2 L’obligation de se déporter en cas d’échec 
 Il est pour moi peu cohérent de prétendre tendre à un accord et de rester l’avocat qui gérera le contentieux en cas d’échec. Le défi est bien de réussir et de mettre tout en oeuvre pour permettre qu’un accord soit conclu avec un mandat exclusif de négociation. En tant qu’avocat, on entretient un dialogue avec les deux parties en litige certes sous le contrôle de l’autre confrère mais il est évident que cette démarche doit être sincère et créer un climat de confiance et non de défiance. Comment le créer si l’autre partie sait d’avance qu’en cas d’échec, vous allez rentrer dans le rôle déplaisant de celui qui ne défendra plus que son seul client ? Certes, on peut imaginer que le conflit peut être moins virulent parce que l’on est passé par ce processus mais quand une partie n’a plus rien à perdre, elle demandera à être légitimement bien défendue. Or, ce processus étant confidentiel, il est sensé le rester. Comment ne pas imaginer que l’on puisse ne pas s’en servir alors qu’humainement, on aura eu la possibilité d’apprendre beaucoup de choses sur l’adversaire. La crédibilité des avocats qui participent à ce processus est clairement en cause. Faire homologuer par un juge un accord partiel reste possible mais c’est tout. Ils ne peuvent plus assurer la défense des points sur lesquels aucun accord n’a été possible. De ce point de vue, les avocats qui sont encore très peu nombreux en France à s’être formés au processus participatif soit sauf erreur de ma part, dans les barreaux de Lille, Lyon, Nice et Paris seulement, sont fermement décidés à se faire accréditer par le CNB et à créer une association nationale afin que les justiciables sachent à qui s’adresser dans leur région de la même façon que ce devrait être possible pour les médiateurs sous peu. Ces avocats refuseront de poursuivre au contentieux les affaires gérées dans le cadre de cette nouvelle procédure participative de négociation assistée par avocat. Mais tout cela n’est que projet, nous attendons tous la prochaine loi qui doit être débattue sur la base notamment de ce rapport Guinchard mais pas seulement.